
Résumé : La définition de l’AntiSémitisme de l’IHRA, par les exemples qu’elle donne, couvre aussi très largement la critique de certains ‘’processus associés’’ au Sionisme, contraires au droit international, ou le questionnement de la présence de certaines Valeurs adossées auxdits processus. De nos jours, ce qui est appelé AntiSionisme couvre essentiellement ces deux aspects.
Les dictionnaires donnent des définitions du Sionisme qui sont à la fois très nombreuses, contradictoires entre elles, et qui évoluent dans le temps. Dans ces conditions, comment s’accorder sur ce qu’est l’Anti-Sionisme ? Nous devons donc nous concentrer sur une définition du Sionisme qui soit simplement Politique et respectueuse du Droit International. Sur cette base, je propose une définition du Sionisme légitime et de l’AntiSionisme légitime.
Les outils permettant de policer internet doivent combattre le racisme et l’AntiSémitisme, tout en permettant la critique ou le questionnement de certains ‘’processus associés’’.
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Amour et Haine sont irrationnels, et sont aussi vieux que l’humanité. Le Président George Washington (1789–1702) rappelait que : « La nation qui se livre à des sentiments habituels d’amour ou de haine envers une autre devient en quelque sorte esclave. Elle est esclave de sa haine ou de son amour. » (1) De nos jours, cela vaut aussi et surtout au niveau individuel.
L’idée qui progresse en Occident est d’inscrire dans la Loi de chaque État le fait que l’AntiSionisme est un AntiSémitisme déguisé, de manière à aider la Justice à être plus efficace pour détecter et poursuivre les coupables d’AntiSionisme.
LA PROGRESSION DU CONSENSUS EN OCCIDENT
Une étape essentielle dans ce processus est la définition de l’ANTISÉMITISME que l’ IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance) a proposé à la mi-2016 : «L’antisémitisme est une certaine perception des juifs, pouvant s’exprimer par de la haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme sont dirigées contre des individus juifs ou non-juifs et/ou leurs biens, contre les institutions de la communauté juive et contre les institutions religieuses juives.» (2) La définition est accompagnée par quelques considérations et exemples.
Entre 2005 et 2016, l’ IHRA a retouché essentiellement les aspects touchant à l’État d’Israel, qui est à présent cité à de nombreuses reprises comme victime potentielle de l’AntiSémitisme.
La définition de l’IHRA a été aussitôt reprise par le U.S. Department of State (3). Et l’idée s’est diffusée un peu partout aux USA durant l’année 2017.
Le Parlement Européen emboîte le pas par une résolution qui ‘’invite les États membres et les institutions et agences de l’Union à adopter et à appliquer la définition opérationnelle de l’antisémitisme utilisée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), afin de soutenir les autorités judiciaires et répressives dans les efforts qu’elles déploient pour détecter et poursuivre les attaques antisémites de manière plus efficiente et efficace (…)’’ (4). La définition de l’IHRA est donc reprise ‘’telle quelle’’, et le Parlement Européen demande sa traduction dans la Loi de chaque État.
Il semble jusque là que le sujet est uniquement l’AntiSémitisme. Cependant, la lecture attentive du texte qui accompagne la définition de l’IHRA montre que le sujet de l’État d’Israel est l’objet d’attentions particulières. En effet, de nos jours, la plupart des questionnements et critiques relatifs au conflit israélo-palestinien concernent des processus associés au concept (pourtant flou) d’ Anti-Sionisme.
Le CRIF ne s’y est pas trompé et explique que ‘’Cette résolution identifie notamment l’antisionisme à une nouvelle forme d’antisémitisme.’’ (5). Le CRIF exprime aussi le souhait que la définition de l’IHRA soit bientôt reprise par le Parlement Français.
Le Parlement devra être attentif à ne pas amalgamer le slogan ‘’AntiSémitisme=AntiSionisme’’ aux ‘’questionnements & critiques légitimes’’ !
SIONISME LÉGITIME et ANTISIONISME LÉGITIME
Le Sionisme est un processus, d’abord conceptuel, puis opérationnel. Nombre d’autres concepts & actions peuvent être associés à ces deux étapes du processus Sioniste. Certains de ces éléments associés peuvent être questionnés/ critiqués légitimement (c’est-à-dire, à mon sens, quand ces éléments associés contreviennent aux droits/ règles/ principes internationaux) ou illégitimement (si ces éléments associés n’y contreviennent pas). Les critiques teintées d’AntiSémitisme doivent bien sûr être poursuivies.
Bref, la base commune aux différents États Européens pour réguler/ policer/ réprimer les questionnements/ critiques d’éléments associés au processus Sioniste ne peut être crédible/ légitime que sur la base des règles & principes internationaux largement partagés, au moins en Europe pour ce qui la concerne. Cela devrait d’ailleurs être le cas pour tout autre processus touchant à l’international.
Pour ces raisons, la définition du Sionisme à utiliser à cet effet doit être politique.
Tout le travail effectué pour faire progresser le consensus en Occident est fondé sur l’hypothèse implicite, non questionnée, qu’ AntiSionisme est un synonyme d’ AntiSémitisme.
Cette hypothèse est pour le moins malheureuse car, autant il y a foison de définitions du Sionisme (lesquelles nous gratifient d’une exubérante variété de concepts, qui sont souvent contradictoires ou incompatibles d’une définition à l’autre), autant les définitions de l’AntiSionisme sont quasi inexistantes. Le même phénomène existe, amplifié, chez les Anglo-Saxons.
Aussi, avant de coller une étiquette de ‘’haine à l’égard des Juifs’’ à l’AntiSionisme, conviendrait-il de convenir d’une définition commune du SIONISME légitime. Quand on aura défini le Sionisme, on saura ce qu’est vraiment l’AntiSionisme que l’on veut cibler!
Voici donc une proposition de définition du Sionisme légitime d’aujourd’hui :
« Le Sionisme correspond à l’esprit du Projet Politique proposé par Theodor HERZL dans son essai intitulé ‘’Der Judenstaat’’ (l’État des Juifs), qui a été développé, précisé puis validé par la Communauté Internationale en 1947, et qui a ensuite été mis en œuvre par les Gouvernements successifs de l’État d’Israel dans le respect du Droit International, des Droits de l’Homme et des Conventions Internationales. »
L’ AntiSionisme légitime correspond donc aux « questionnements ou critiques des discours ou des actions d’ individus ou de structures qui interviennent, directement ou non, et qui contreviennent ou incitent à contrevenir à la lettre ou à l’esprit de la définition du Sionisme légitime. »
Par conséquent, si le Parlement français jugeait que les textes existants sont insuffisants pour traiter l’AntiSémitisme, la rédaction du nouveau texte additionnel devrait soigneusement exclure du champ délictueux/ criminel les critiques de discours/ actions associés au ‘’Sionisme’’ quand ces derniers enfreignent le Droit International, les Droits de l’Homme, ou les Conventions Internationales. Il va sans dire que le Racisme et l’AntiSémitisme font partie du champ délictueux/ criminel.
Aujourd’hui, les critiques AntiSionistes légitimes des citoyens du monde s’adressent au Sionisme illégitime, tel que les peuplements illégaux (en Droit International), ou que la cohorte de misères et de pressions illégitimes (en termes de Droits de l’Homme) qu’un gouvernement inflige (ou laisse infliger) aux membres d’une population autochtone (dont la plupart des individus, aujourd’hui, n’étaient pas encore nés en 1947).
L’ AntiSionisme peut donc (ou non) être l’expression d’un sentiment AntiSémite. Sylvain Cypel l’explique clairement : « (…) Que l’on trouve parmi les antisionistes d’aujourd’hui des gens projetant sur Israel leur antisémitisme atavique ou récent ne fait aucun doute. Mais que l’antisionisme soit en tant que tel une idéologie antisémite est une idée infamante et erronée. » (6)
AUJOURD’HUI, QU’ ENTEND-ON PAR SIONISME, au juste ?
Le théoricien du Projet Sioniste est Theodor HERZL (1896). « Les bases doctrinales du projet tiennent au fait que les Juifs, minoritaires et partout victimes de persécutions antisémites, forment un peuple dont la situation, anormale et injuste, doit être corrigée par la création, reconnue en droit international, d’un État où ils pourraient se rassembler. » (7) (Yvon PESQUEUX & Lévi-Avishaï LEGER-TANGER)
La Communauté Internationale a ensuite défini les modalités de la partition de la Palestine en deux États : Un État dit ‘’Arabe’’ et un État dit ‘’Juif’’ (1947). La déclaration d’indépendance de l’État d’Israel suivit à la mi-1948 : le processus Sioniste pouvait alors être géré opérationnellement dans le respect des règles internationales. Ainsi, nul ne doit contester le droit qu’ont les Juifs du monde qui le souhaitent d’émigrer vers l’État d’Israel, d’adopter l’Hébreu comme langue, d’oeuvrer là à construire leur futur commun en harmonie avec les autres citoyens de l’État d’Israel.
Les maîtres concepts sur lesquels s’appuyer pour une répression de l’AntiSionisme illégitime sont : la nature Politique du mouvement Sioniste, et les Règles Internationales qui président tant à la création de l’État qu’à la mise en œuvre du processus Sioniste.
Pourtant, ce qui est stupéfiant, c’est l’incroyable DIVERSITÉ DANS LES DÉFINITIONS du SIONISME. Les termes/concepts employés (ou évités) font que les ‘’fils’’ qui relient les éléments de la définition aux concepts sous-jacents ne sont pas du tout les mêmes d’un dictionnaire à l’autre. C’est la cacophonie ! Il est clair que les dictionnaire ne parlent pas de la même chose quand ils définissent le ‘’Sionisme’’
Les définitions sont généralement intemporelles, mais le Larousse et le Petit Robert d’avant 2002 ancrent clairement le Sionisme dans le passé. Il apparaît aussi que la définition d’un dictionnaire peut nettement évoluer avec le temps….
Certains disent que le Sionisme est une idéologie politique. Une partie dit que le mouvement est politique, tandis que d’autres disent que le mouvement est politique et religieux. Certains renoncent à se prononcer et parlent simplement d’un mouvement.
Quel est l’objectif de ce mouvement ? Certains parlent d’un foyer national Juif, d’une nation Juive, ou d’un Centre territorial ou étatique peuplé par les Juifs. Ce qui sont des concepts voisins. Les autres dictionnaires disent par contre qu’il s’agit du retour du peuple Juif, ou encore de la restauration/ de l’établissement puis la consolidation d’un État Juif.
On voit tout de suite qu’il y a toute une palette de combinaisons de concepts différents utilisés sur la nature du Sionisme, ainsi que sur sa finalité. Par exemple, Un Foyer National Juif et un État Juif sont deux parmi les concepts proposés, mais ont des implications très différentes pour la coexistence avec les minorités ‘’Arabes’’, et pour leur compatibilité avec le Droit International et la Démocratie.
EN CONCLUSION,
Sont positives et constructives les critiques ou questionnements qui ne remettent pas en cause les décisions de la Communauté Internationale ni le Droit International.
Il semble que nous avons déjà en France et en Europe les textes essentiels pour ‘’traiter’’ le racisme et l’antisémitisme. Par contre, l’internet est une jungle qu’il convient de policer.
Les outils retenus pour l’internet devront aussi permettre de combattre les possibles dérives inverses, par exemple en décourageant les éventuels excès de zèle menant à une censure des contenus ou des intervenants.
Jean P. Ciron (mars 2018)
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….. (1) — Cité par Alexis de Tocqueville — De la Démocratie en Amérique — 1848
….. (2) — http://www.holocaustremembrance.com/sites/default/files/press_release_document_antisemitism.pdf
“Antisemitism is a certain perception of Jews, which may be expressed as hatred toward Jews. Rhetorical and physical manifestations of antisemitism are directed toward Jewish or non-Jewish individuals and/or their property, toward Jewish community institutions and religious facilities.”
….. (3) — https://www.state.gov/s/rga/resources/267538.htm
….. (6) — Sylvain Cypel (Univ. Hébraïque de Jérusalem) (Source : ORIENT XXI — 19 juillet 2017) https://orientxxi.info/magazine/non-l-antisionisme-n-est-pas-un-antisemitisme-reinvente,1954
….. (7) — Yvon PESQUEUX & Lévi-Avishaï LEGER-TANGER — Conservatoire National des Arts et Métiers — 2010
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